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Qui a dit que les DRH n’étaient pas en première ligne de la transformation digitale des entreprises ? Depuis l’entrée en vigueur du droit à la déconnexion dans les entreprises de plus de 50 salariés au 1er janvier 2017, ils négocient des accords pour en définir les modalités. Il s’agit, par exemple, de bloquer la transmission d’e-mails aux salariés en dehors des heures de travail.

Or un salarié sur deux estime ne pas pouvoir se déconnecter plus de trois heures de sa messagerie sans que cela ne pénalise son travail. Un salarié sur deux estime aussi qu’il doit répondre ou agir dans la demi-heure qui suit la réception d’un e-mail. Les salariés français sont clairement atteints du syndrome Fomo (« fear of missing out », la peur de manquer une information). Après des années de stress dues à l’« infobésité », le premier été en déconnexion forcée sera-t-il celui de l’anxiété sociale ?

Les nouvelles formes de travail impactent la vie personnelle

L’ouverture de négociations sur le droit à la déconnexion a la vertu de reconnaître que les nouvelles formes de travail peuvent avoir des conséquences sur la qualité de vie au bureau et en dehors. Une nouvelle réflexion émerge, qui mêle digitalisation du travail, frontières entre les sphères de vie, excès d’informations et performance. Elle incite à dissocier le stress dû au travail et le stress dû à l’irruption du travail dans la vie personnelle (lire aussi l’article : « Gérez votre travail, gérez votre vie »). Les causes du premier sont bien connues : l’organisation du travail et la multiplication des distractions (SMS, e-mails, etc.), ainsi que l’ensemble des tâches rarement cohérentes entre elles.

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Le stress dû à l’intrusion du travail dans la vie extraprofessionnelle est plus complexe. Il est d’abord causé par des tâches professionnelles réalisées dans des lieux et à des heures qui ne devraient pas leur être consacrés. Mais l’invasion du travail dans la vie personnelle n’est pas qu’une extension dans le temps et dans l’espace. Les difficultés à résoudre et les problèmes sans solutions ne s’oublient pas automatiquement passé les 35 heures hebdomadaires. Ils restent à l’esprit et y occupent une place importante, à la manière d’un ordinateur qui exécute des tâches en arrière-plan. C’est cette persistance qui est génératrice de stress. Et en l’absence d’informations nouvelles, ce processus mental tourne à vide. C’est ce manque de « grain à moudre » qui génère de l’angoisse. Etre en vacances ne suffit pas à cloisonner les sphères de vie.

La gestion des frontières entre travail et hors-travail est une compétence

Pourtant, certains individus savent gérer les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle. Des stratégies de gestion efficaces existent, et certains salariés savent organiser une porosité non polluante entre leurs différentes sphères de vie. Gérer les frontières entre travail et hors-travail à l’ère du digital est donc une compétence. Plus précisément, c’est une métacompétence, c’est-à-dire une compétence qui sert à gérer ses propres compétences. Elle figure parmi les ressources nécessaires à développer, au même titre que la compétence à s’orienter en matière de carrière. Il revient aux individus de s’impliquer dans cet apprentissage.

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Mais il revient aussi aux entreprises d’en organiser les modalités de déploiement et d’utilisation. Car si savoir gérer ses frontières est une aptitude, l’appréciation des comportements qui en découlent revient aux organisations et aux managers. Différer sa réponse à un e-mail peut être un comportement pragmatique et efficace. Mais dans un pays où la culture du présentéisme imprègne les esprits, où il va de soi que les cadres ne doivent pas compter leur temps et où tout est prétexte à s’inquiéter de l’engagement des salariés, reporter son retour à un e-mail, c’est aussi jouer de la norme. La gestion hors travail du digital remet en cause des règles implicites de coordination entre salariés et managers.

Le droit à la déconnexion peut aussi être source de stress

Si les normes qui régissent les frontières psychologiques entre le travail et le hors-travail ne changent pas, le droit à la déconnexion sera, paradoxalement, une source de stress. Il augmentera la charge mentale si les salariés se sentent toujours obligés de savoir et de répondre, si managers ou clients considèrent qu’il est normal d’attendre des réponses en dehors des heures de travail. Le droit à la déconnexion, au contraire, sera une source de progrès s’il permet de faire évoluer notre compréhension des frontières réelles entre travail et hors-travail. C’est pourquoi les accords d’entreprise sont vertueux.

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En définissant pragmatiquement ce qui est opportun, ils façonnent les normes et les cultures. C’est pourquoi le réexamen de la norme ISO 26000, qui régit les engagements des entreprises en matière de RSE, va dans le bon sens. Cette révision, portée par l’Afnor pour l’ensemble des pays impliqués, doit pointer les enjeux, les opportunités et les responsabilités des entreprises en matière digitale. Elle est, finalement, la condition d’appropriation par les salariés des opportunités offertes aux entreprises par l’apparition de nouvelles formes de travail.

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