Après un premier album plutôt country-rock qui a pris tout le monde par surprise et a fait son chemin dans une trentaine de pays, Bobby Bazini remet ça avec un disque trempé dans la musique soul et enregistré avec des pointures à Los Angeles. Retour sur un trip pas ordinaire.

Bobby Bazini a une vieille âme et la voix d'un chanteur qui aurait deux ou trois fois ses 24 ans.

Le public québécois, qui a fait un triomphe à son album country-rock Better in Time il y a quatre ans, savait tout cela. Le réalisateur américain Larry Klein, acolyte de Joni Mitchell, Madeleine Peyroux et Melody Gardot, l'a découvert la première fois que le chanteur originaire de Mont-Laurier lui a chanté ses nouvelles compositions à la guitare acoustique.

«Il a joué six ou sept chansons qui m'ont jeté par terre, nous a dit Klein l'automne dernier. Il était entièrement plongé dans la tradition soul du début des années 60, celle d'Otis Redding.»

On avait juste oublié d'en aviser les trois choristes qui attendaient le jeune homme en studio à Los Angeles pour l'enregistrement de son deuxième album, Where I Belong.

«Un talent phénoménal»

Klein raconte: «On travaillait avec de super chanteuses de gospel qu'on a entendues sur 1000 disques à succès. Dès qu'on a commencé à leur faire jouer la musique, leur mâchoire s'est décrochée. Elles ont fixé Bobby du regard et lui ont dit: «C'est toi, ça?» C'est un talent phénoménal.»

Plus encore que le timbre de sa voix, c'est cette façon qu'il a de s'investir complètement dans ses chansons d'une autre époque qui suscite la fascination chez ce grand efflanqué. Klein, qui a fait sa connaissance lorsqu'il travaillait au dernier album de Florence K à Montréal, l'a bien compris et il a recruté pour lui des vétérans de la musique soul et rhythm and blues.

Virage soul

S'il y avait des accents soul dans le disque country-rock qu'était Better in Time, quatre ans plus tard, le virage est complet.

«Les gens ont peut-être trouvé ça long, quatre ans, mais j'avais besoin de tout ce temps pour bien définir qui je suis et ce que je veux faire, explique Bazini. En spectacle, j'ai remarqué que, quand je fais de la musique soul, ça me force à élargir mon registre vocal et les gens aiment ça.»

Where I Belong révèle une voix de fausset qu'on ne lui connaissait pas. «Je ne suis plus aussi timide et je me suis laissé aller», explique le chanteur.

Travailler la voix

Klein lui a beaucoup fait travailler sa voix, en lui conseillant parfois - sur Down On My Knees, par exemple - de s'imposer davantage, progressivement, un peu à la manière d'Otis Redding dans Try a Little Tenderness.

«Il me disait: «T'as une voix, il faut t'en servir.» Je pouvais reprendre une chanson huit fois et Larry exigeait une autre prise: «Ta voix se fatigue, mais c'est là qu'elle devient intéressante.» »

Bazini a compris qu'il ne perdait rien en spontanéité à refaire une chanson plusieurs fois.

«Au contraire! Au début, j'étais trop collé sur le texte, sur la façon dont j'avais composé la chanson, mais, quand on la chante huit, neuf ou dix fois, on essaie autre chose et la chanson devient complètement différente.»

Quand il écoute ce nouvel album dont il est très fier - d'où son titre Where I Belong -, le jeune homme distingue parmi tous les instruments le son de sa guitare.

«C'est peut-être ce qui me démarque d'Otis Redding et de Marvin Gaye, dit-il. Larry a même essayé de me faire chanter sans ma guitare, mais il s'est rendu compte qu'il se passait quelque chose quand je chantais et que je jouais de la guitare en même temps.»

Le trip

Histoire de «faire le trip au complet», Bobby Bazini a fait le trajet de Montréal à Los Angeles en voiture avec sa blonde. Ils se sont installés dans un appartement à Santa Monica où ils ont composé ensemble la fort belle Wish You Were Here qui clôt le nouvel album.

«J'étais vraiment emballé par son côté folk acoustique avec une touche de gospel qui convenait parfaitement à l'album, et je l'ai envoyée à Larry qui a accepté de l'enregistrer. Je n'en revenais pas! On l'a composée et enregistrée en 24 heures. Et alors que toutes les autres chansons du disque se terminent par un fondu, dans celle-là, les chanteuses et moi, on ne voulait plus s'arrêter. Il se passait quelque chose qu'on a voulu conserver jusqu'à la fin.»

La seule reprise de l'album, Ain't No Love in the Heart of the City, est un succès de 1974 enregistré par Bobby Blue Bland et repris par le groupe Whitesnake. «Quand on l'a fait entendre aux chanteuses, elles ont éclaté de rire et elles ont dit: «On a chanté sur la version d'origine.» »

Bobby Bazini donnera le premier spectacle consacré à son nouvel album aujourd'hui même en ouverture du Festival des guitares du monde en Abitibi-Témiscamingue, avant de faire la tournée des festivals.

D'autres spectacles s'ajouteront à l'automne.

Savoir s'entourer

BOOKER T. JONES

C'est le célèbre organiste de Booker T.&the M.G.'s, groupe attitré du label Stax de Memphis, qui a accompagné sur disque Otis Redding, Wilson Pickett et Sam&Dave.

Bobby Bazini: «Au début, Booker T. était très réservé, mais, après quelques chansons, il était déjà plus à l'aise. J'ai toujours eu un orgue sur scène, mais Larry Klein n'avait écouté que mes maquettes acoustiques. Pourtant, le premier musicien qu'il a invité en studio, c'est Booker T. On va probablement écrire des chansons ensemble pour mon troisième album.»

JACK ASHFORD

Jack Ashford a joué sur tellement d'enregistrements de Motown que son tambourin est indissociable du son de ce label.

Bobby Bazini: «Quand on m'a dit que c'est lui qui jouait du tambourin sur les disques Motown, j'ai tout de suite pensé à War d'Edwin Starr, mais on l'entend aussi sur I Heard It Through the Grapevine et Let's Get It On de Marvin Gaye. Il m'a dit: "Hé, Bobby, veux-tu que j'utilise le même woodblock que sur Mercy Mercy Me en 1971? " C'est cet instrument de percussion qu'on entend sur Bubblegum

JAY BELLEROSE

Ce batteur très demandé a joué avec Diana Krall, Robert Plant et Alison Krauss, Bob Dylan, Elton John et il est du dernier album de Florence K.

Bobby Bazini: «En 2011, au St-Denis, il a volé la vedette à Ray Lamontagne. J'ai dit à Larry Klein que ce serait vraiment cool de l'avoir sur le disque et il m'a répondu: "Bobby, Jay est déjà engagé pour jouer sur ton album." En plus d'être un excellent batteur, c'est un musicien créatif, original.»

L'album Where I belong de Bobby Bazini sera disponible mardi prochain.